Un SDF bienheureux
J'ai acheté il y a une dizaine d'années une tente 3 places. Je ne pensais pas que j'en ferai ma chambre à coucher principale. Il faut se rendre à l'évidence. Même si l'on est pas loin d'avoir fini, les finitions sont justement ce qu'il y a de plus long. J'envisage donc sérieusement d'installer ma bonne vieille tente, qui n'a jamais beaucoup servi, sur le terrain, le temps qu'il faudra. T'ention, je dis pas qu'on va y loger la famille toute entière. On n'est pas des roumains. Non, juste moi, à partir du moment où les chèvres vont arriver, c'est à dire le 4 mai.
Certains m'ont suggéré de dormir avec les biquettes, que ça serait bien pour faire connaissance, pour qu'elles aient confiance, mais... Non, j'le sens pas.
Néanmoins, je regardais le paysage aujourd'hui, une superbe journée bien ensoleillée, chaude, et les montagnes encore bien blanches, et je me disais que ça me tentait bien de m'endormir et de me réveiller ici dans mon carré de toile. Après tout, nous serons en mai, et avec un bon duvet, où est le problème ? Le vent peut être.
Quand je pense que certains payent pour dormir sous un tente pendant leurs vacances, je dois m'estimer heureux. Ils ont pas la même vue, et en plus, ils ont du bruit et des voisins.
Le calme est parfois prodigieux là bas, un silence profond qui inspire le silence, justement. L'impression d'être seul au monde, c'est magique.
Vous l'aurez compris, dans quelques jours, notre vie va basculer pour de bon avec l'arrivée de ces 25 suppôts de satan aux pupilles en 16/9ième. Une étape de plus dans notre reconversion, 2 ans après en avoir posé les premiers jalons. Oui, 2 ans déjà que nous sommes sur l'affaire. Et pourtant c'était hier. Je me revois encore signifier à mon patron que je veux faire une formation pour être agriculteur. Je nous revois faire nos demande de FONGECIF, boucler tous les dossiers en une semaine, en limite de dead line, recevoir l'acceptation, et rentrer au CFPPA de Chartres. Pour en sortir aussi rapidement qu'on y était entré ; vendre la maison, déménager, aménager chez mes parents, trouver la ferme, attendre, monter le projet, l'affiner, réserver les chevrettes, commencer les travaux, créer l'entreprise.... 2 ans, pleinement vécus, qui ne m'auraient laissés aucun souvenirs si j'avais dû les vivre en entreprise, sinon des aigreurs et du ressenti.
Depuis que France et moi nous connaissons, nos vies n'ont cessé d'être chamboulées. Il nous est souvent arrivé de tout remettre en cause (sauf l'essentiel, Nous), et de plus souvent suivre nos envies plutôt que la raison. Trop compter sur le futur lointain me parait vain, et vivre maintenant beaucoup plus sain. J'ai en tête cette phrase que j'ai souvent entendu dans mon enfance: "L'espoir fait vivre, mais l'attente fait mourir".