Champagne !
Tout à l'heure, après le déjeuner, France m'appelle.
- Viens vite, ils nous livrent le chariot de traite.
Mis dans un autre ordre, comme par exemple "chariot nous ils vite traite de viens livrent", ces quelques mots n'auraient suscité aucune émotion particulière. J'aurais même soupçonné chez France une fatigue passagère. Mais là, dans cet ordre là, ces mots avaient une résonnance tout à fait particulière. Ils signifiaient la fin de nos misères matinales et nocturnes. Oui, car jusqu'à présent, nos matinées, c'étaient:
7h30-11h00, soins aux chevreaux, aux chèvres, et traite, et pour France, une heure de fromagerie supplémentaire.
Et nos soirées:
17h30-21h00, soins aux chevreaux, aux chèvres et traite, et pour France, une heure de fromagerie supplémentaire.
Et dans ces intervalles de temps, la traite nous prenait facilement une très grosse heure. Pas qu'on n'est pas doué, mais on a quelques chèvres réticentes. Des pudiques et des sainte nitouche qui refusent la traite manuelle ou la considère comme une atteinte à leur intimité. Alors elles latent de toute leur pattes et leurs onglons, et parviennent parfois à renverser le seau de lait. Passablement énervant.
Et puis on a les pas doués de la mamelle, celles qui n'ont pas le trayon fait pour la main de l'homme. Bref, du coup, on y passait des plombes, et au fur et à mesure que le temps passait, que les mises bas se succédaient, nous avions forcément de plus en plus de bêtes à traire. Et cette satanée machine qui n'arrivait pas.
Alors, ce soir, après quelques essais à vide, nous avons étrenné ce formidable engin.
Lecteur, si tu attends à de la péripétie dans cette histoire, passe ton chemin. Tout s'est merveilleusement passé. Je n'ai pas chronométré, mais je crois qu'on a mis à peine 15 minutes en prenant notre temps (sans le lavage bien sûr). Même les chèvres n'en revenaient pas de sortir si vite du cornadis. A peine le temps de finir leur auge, alors qu'avant, elles entamaient une grosse sieste de dépit, attendant gentiment que nous ayons finit nos tripatouillages mammaires.
Lecteur, je t'adore, mais il est tard, et je suis fatigué par tant de bonheur alors je vais me coucher, mais je ne pouvais pas te laisser plus de temps sans savoir.