Pourquoi doit on subventionner l'agriculture ?
Vaste question. J'ai ma petite idée, et comme cette nuit, les muses agricoles sont venues me visiter (France est pas au courant, donc chut !)), et m'ont intimé l'ordre de rédiger un petit article là dessus.
D'abord, pourquoi cette question ?
Souvent, je lis ou j'entends dire que les agriculteurs ne devraient pas se plaindre de leur condition parce qu'ils sont (trop) subventionnés.
Aujourd'hui, qui peut dire qu'il n'est pas subventionné ? Chômage, RSA, APL, Allocations familiales, Aide à la création d'entreprise, Allocation de rentrée scolaire, et j'en passe.
Pourquoi les agriculteurs aussi ? Et pourquoi autant ?
Il est bon de rappeler une évidence tellement simple qu'on a tendance à l'oublier. Tout le monde n'a pas besoin d'un écran plat ou d'un portable, mais tout le monde a besoin de manger.
Le problème, c'est que l'homme moyen aime à se démarquer de son voisin, et le fait d'être mis sur un pied d'égalité avec l'homme de bas étages (pouah) par le simple fait de besoins physiologiques l'entraine à mépriser cette fonction et il a donc tendance à complètement l'occulter, pour se concentrer sur son écran plat ou son 4x4, véritable valeurs fondatrices d'un bien être absolu.
Mais depuis quelques années, l'homme a de plus en plus de mal à assumer tous les besoins qu'on lui a crées. Heureusement est arrivé le crédit facile, et l'esclavage chinois, lui permettant d'assouvir les pulsions d'achat qu'on lui a fourées dans le crâne. Ainsi, notre homme, au prix d'efforts financiers sans cesse croissants, arrivait à connaître de fugaces moments de bonheur chèrement payés.
Il a aussi fallu qu'il rogne, petit à petit, sur l'alimentaire, ce mal nécessaire. En 1979, l'alimentation représentait environ 35% du budget d'une famille. Aujourd'hui, il est de 15%. Que s'est il passé ? C'est simple. D'éminents chercheurs se sont rendu compte que la merde valait moins cher que le bon, alors, on s'est mis à manger de la merde. Et ça marche. Il reste donc de l'argent pour dépenser dans d'autres choses. Les hard discount sont devenus "Hype" alors qu'ils étaient considérés comme signe de déchéance jusqu'à la fin des années 90.
Parallèlement à ça, la Grande Distribution a confisqué la quasi totalité de la marge existant entre le producteur et le consommateur, créant un rapport de force digne des seigneurs du moyen âge sur les serfs.
N'empêche que, bien qu'extrêmement méprisables, ces paysans, on en a quand même besoin. Il est donc important de supprimer au maximum le pouvoir qu'il détiennent, celui de nourrir, parce qu'ils faudraient pas qu'ils puissent en abuser.
Première étape, on leur fait miroiter qu'en s'agrandissant (terres, cheptel), qu'en investissant beaucoup, ils vont gagner beaucoup. Et sur le papier, c'est vrai qu'ils vont en gagner un max d'argent. Alors ils achètent des terres à tour de bras, des machines qui deviennent hors de prix (200 000€ une moisonneuse qui servira 3 semaines dans l'année), des équipements prévus pour ne plus avoir de personnel. Ils peuvent prendre de très gros crédits sur du long terme puisque, sur le papier, ils vont pouvoir rembourser facilement. Ben oui, avec tout l'argent qu'ils vont récolter.
Ce qu'il n'a pas vu notre paysan, c'est que tous ses voisins ont fait pareil, réduisant ainsi son "avance" à zéro. et difficile de se démarquer quand tout le monde produit la même chose. Allez expliquer à la coopérative que votre lait ou votre blé est meilleur. Ils s'en foutent royalement. Donc, maintenant, tout le monde est bien endetté pour longtemps, et produit la même chose. On est prêt pour la deuxième étape.
Celle ci consiste à faire dire aux organismes collecteurs qu'il y a sur-production, (grâce aux engrais, aux gros tracteurs, et à la hausse constante des rendements) et donc, que les prix baissent. Ah oui, mais c'était pas prévu dans le plan de financement ça. C'est qu'ils risquent de fondre les plombs nos amis paysans.
Mais l'Etat a tout prévu. Il va désormais subventionner l'agriculture, afin que les prix restent bas, ce qui permettra de produire de la nourriture meilleur marché et ainsi le consommateur pourra acheter d'autres biens marchands utiles à la croissance du PIB (d'où la baisse de la part de l'alimentaire de 35% à 15%).
D'un autre côté, on assure une vraie mainmise sur les agriculteurs, toujours fortement endettés, sur le fil du rasoir. Ils sont pieds et poings liés. Peuvent plus bouger. Condamnés à la subvention pour assurer leur survie.
Croire que les agriculteurs sont très riches parce qu'ils touchent des subventions est faux. Ils sont au contraire dans une totale précarité à cause des subventions, qui empêchent le marché de fonctionner correctement. Mais ça, c'est voulu par tous les gouvernements du monde, Etats-Unis compris.