Subventions, manège et vampires...

Je sais pas vous, mais là, faut que je fasse une pause. J'ai la tête farcie comme un encornet.

Ca fait quelques jours qu'on travaille sur les plans du bâtiment d'élevage qu'on va construire. Au début c'était simple. On n'avait qu'à choisir un prestataire entre plusieurs, et pis voilà. Oui, mais l'administration a prévu de nous aider. Et c'est là que ça se complique. Parce que, être aidé, ça fait envie. Ahhhhh oui, mais tu peux pas être aidé comme tu veux.  Il faut en fournir de la paperasse, et puis on te rallonge les délais, et tu peux pas commencer les travaux tant que tu n'as pas obtenu l'accord de subvention (6 mois) et tu peux pas demander la subvention tant que tu n'as pas l'accord du permis de construire (3 mois). Alors ca va passer juste notre demande si on veut être prêt en juillet. Les biquettes risquent de rentrer dans un bâtiment où le ciment est encore frais. Du coup, ça oblige à des gymastiques logistiques, à tout revoir ou presque dans le timing, mais bon, c'est vrai que ça vaut le coup aussi.

Ca me fait penser au manège quand on était gosse. Celui qui tourne en rond. Ca nous suffisait, nous, gamins, d'être dans la voiture de pompier ou le cheval de cow boy. Et il y a un tordu, un sadique, qui a pensé à suspendre un pompon à une ficelle, et il a décrété qu'il fallait attraper le pompon pour être heureux. Et à chaque tour, il te le met sous le nez, tu tends la main, et là, à deux doigts du bonheur, zoup, il tire un grand coup sur la corde. Enfoiré. Et comme ça, 99% des gamins repartent frustrés alors qu'ils étaient venus pour s'amuser.

C'est un peu pareil pour les subventions. Elles sont belles, elles font envie, mais pour les attraper, répondre à tous les critères, être dans les délais, etc.... il faut se lever tôt, et puis brûler un paquet de cierges aussi.

Bref, là, je suis sur les plans du bâtiment, et ça fume. Il faudrait qu'on l'ait déposé pour la fin de la semaine notre permis de construire pour espérer une construction en juillet. Mais on n'a pas encore choisit le prestataire, car on voudrait aussi se laisser le temps de la réflexion. Donc, on va déposer un permis de construire un peu bidon, mais il n'empêche qu'il ne faut oublier aucune pièce, les vues de plan, de côté, de 3/4, de Jupiter, etc... Et moi, les plans, c'est pas mon fort, mais bon, je m'adapte.

Hier, j'ai commencé mon stage dit "21heures" dans un lycée agricole de la région toulousaine. C'est obligatoire pour mon installation. J'y allais un peu à reculons, car le programme me paraissait redondant avec la formation que nous avions eue, mais au final, c'était très intéressant, en grande partie parce que j'ai pu rencontrer d'autres jeunes de la région, dont certains allaient être des "voisins".

Edit de France : vu les photos, sur que ça m'a l'air d'être sympa comme stage.

A ce stage, il y avait des céréaliers, et des éleveurs laitiers. Ce sont les 2 grands perdants de cette année. Ce qui est étonnant, c'est de voir leur volonté de perpétuer un métier qui ne rapporte plus rien que des larmes, en pensant que les choses "devront s'améliorer de toute façon, puisque ça ne peut pas continuer ainsi". Ils ne conçoivent pas que leur activité telle qu'elle est aujourd'hui peut mourir, ou finir, et qu'il est nécessaire de la faire évoluer, de l'adapter au contexte actuel. Ils accusent les marchés internationaux d'être responsable, et c'est vrai, mais ils sont les premiers à vendre sur ces marchés. Ils veulent tous dormir dans le chateau de Dracula, mais pas perdre de sang.

Le problème est bien sûr plus difficile à régler que mes petits raccourcis faciles.  Mais le fond de la problématique, c'est celui là. Il n'y a pas de place pour tout le monde dans ce système. Tout comme l'industrie, l'agriculture est délocalisée de puis bien longtemps. Grâce aux subventions, on la maintient. Il y a un marché énorme en France. Nous sommes 60 millions à manger chaque jour. La plupart se nourrissent à l'aide de produits venant de l'industrie agro alimentaire, par l'intermédiaire de la grande distribution. Ce sont eux les gagnants de ce grand gueuleton. Ils achètent pas cher, ils revendent très cher.

Il suffirait donc d'acheter aux producteurs locaux pour résoudre le problème.

"Ben oui, d'accord, mais on travaille, on n'a pas le temps, y a les enfants à aller chercher à l'école, et puis, je fais des heures pour me faire bien voir, et j'aurais peut être une augmentation à la fin de l'année. Et puis on voudrait acheter un écran plat pour Noël, et changer de voiture, oh, et puis ces petits plats tout prêt, c'est tellement pratique, et je ne vois pas pourquoi notre fille de 12 ans n'aurait pas un téléphone portable elle aussi..." J'invente rien, ceux qui disent ça, ils sont aussi dans le chateau de Dracula, mais ils sont un peu vampires eux mêmes. Ils bouffent autant de matières premières et d'énergie en un mois qu'un pakistanais dans toute sa vie. Et ils sont même pas plus heureux. Parce qu'à chaque fois qu'ils attrapent le pompon du manège, on leur en met un plus beau sous les yeux, et ils ont pas le temps de profiter du précédent qu'ils voulaient tellement tellement tellement..... Heureusement d'ailleurs sinon, ils se rendraient compte que c'est naze la plupart des choses qu'ils convoitent.

Je vous l'ai dit, ça fume !!!

Bon retenez 2 choses aujourd'hui. N'acceptez pas d'invitation à dormir chez Dracula, et surtout, gardez vous du sadique au pompon quand vous êtes au manège. Je vous aurai prévenu.

Comments

[Caroline H]

Je comprends votre amertume face aux nouveaux idéaux de la société, et surtout je la partage. Les géants de la consommation voient leur heure de gloire aujourd'hui, mais "grace" à la crise financière, nombreuses sont les personnes qui se remettent en question et qui réalisent que le bonheur ne s'achète pas :-)

Je suis pleine d'espoir pour un avenir meilleur, plus sain, plus vrai, avec des valeurs qui sont les vôtres et sans nul doute celles de votre famille !

Je crois aussi, que la société prend de plus en plus conscience des méfaits de l'industrie, des usines qui produisent 100 produits différents avec un seul ingrédient : la gélatine de porc. (pour raccourcir).

Notre génération, se dirige vers un avenir meilleur, dont vous êtes des acteurs, vous et France, très impliqués ! Soyez en fiers et criez le haut et fort !! Dans une poignées de mois votre implication payera, je vous soutien et sachez que la nouvelle génération, la vôtre, a les bonnes cartes en main !!!

Paris ne s'est pas faite en un jour, vous le savez bien alors foncez et vous rêverez bientôt éveillés... question de mois ;-)

Agriculturement ;-),
Caroline.

[marie-jo]

La première partie de ton commentaire me rappelle une conversation un après midi oû tu me posais des questions pour ton super rapport.Tu me reprochais d'utiliser le verbe "obliger" qd je parlais administratif et installation;
Ce parcours je l'ai vécu mais ne désespère pas et enfonce des portes;" veni,vidi,vici.
Pour l'avenir de l'agriculture, il y aura toujours des fous comme nous pour y croire et faire ce métier. A observer mes animaux, je pense qu'ils sont plus intelligents que nous en ce moment même s'il n'ont pas la parole. Pour ce que les humains en font!